Grâce à mes poules, je suis libre

Grâce à mes poules, je suis libre

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En décembre dernier, un groupe d'investisseurs, de bénévoles et de collaborateurs d'Oikocredit a passé une semaine au Pérou dans le cadre du voyage d'étude 2018. Parmi les partenaires visités, figurait l’institution de microfinance ProEmpresa ainsi que ses clients finaux de la banlieue de Lima. Marion Wedegärtner de l'association allemande de soutien d'Oikocredit partage ses impressions sur ce voyage.

Nous avons d’abord rendu visite à Dimas Morales, la première de toutes les femmes déterminées et impressionnantes que nous avons rencontrées au cours de ce voyage d'étude. 

Lima, la capitale, est située dans le désert : plus on se dirige vers le sud-est, plus cela devient évident. « Toute la verdure que vous voyez, tout ce qui fleurit, a été planté et irrigué », explique Leila Loaiza, notre traductrice. Dans les quartiers les plus riches de Lima, des palmiers et des buissons clairsemés poussent derrière des murs et dans des jardins.

Les bureaux de ProEmpresa, l'organisation partenaire d'Oikocredit, sont situés à Manchay, à une heure et demie de route du quartier chic de la banlieue côtière de Lima. Là, Miraflores, une employée, doit sans cesse épousseter les bureaux et passer le balai. À Manchay, avec la poussière, on distingue difficilement les contours des maisons et des collines.

Poursuivant notre route, notre itinéraire nous conduit sur des chemins de gravillons d’où nous découvrons des paysages qui rappellent tant d’autres endroits dans le monde : pistes de terre, habitations simples ressemblant à des chantiers permanents, amas de déchets régulièrement fouillés pour y récupérer quelque chose d’utilisable, chiens errants. Çà et là, quelques points de verdure ou un père Noël et son renne montant la garde devant une porte.

La population de Manchay s’étend jusque sur les collines environnantes. Soixante-quinze pour cent des personnes qui vivent là sont des migrants : la région connaît un afflux continu de nouveaux arrivants en provenance d'Amazonie, des Andes et du Venezuela, à la recherche de meilleures conditions de vie qu’à Lima. Quatre-vingts pour cent ont accès à un système d'approvisionnement en eau, les autres doivent acheter de l'eau potable à des entreprises privées qui livrent par camion et remplissent les réservoirs.

Quelques nids-de-poule plus loin, assez haut dans les collines, Dimas Morales nous attend. Cliente de ProEmpresa, elle possède 700 poules, quelques coqs altiers et plusieurs porcs.

Les mots de Dimas

Elle est petite, vive, pleine de confiance en elle. Elle enchaîne les phrases fortes. Comme celles-ci :

  • « L'argent ne se soucie pas de votre apparence ni de votre âge »
  • « Depuis que je suis enfant, je sais que je ne veux dépendre ni d'un mari ni d'un fils. J'ai toujours pris ma vie en main »
  • « Quand je suis avec mes poules, je me sens libre et en paix »
  • « Imaginez ce que j'aurais pu réaliser si j'avais pu continuer mes études »

Le sens des affaires

Pour Dimas, âgée de 68 ans, quitter la « Selva » (la jungle) il y a cinq ans pour s'installer dans la banlieue de Lima était une décision entrepreneuriale. L’élevage de bétail dans la jungle était coûteux et rapportait peu. Deux de ses fils, l'un infirmier et l'autre ouvrier dans la construction, vivent à Lima et les deux soutiennent l’activité de leur mère, mais elle reste seule maître à bord. C’est son travail à elle, à elle seule - « c’est très important pour moi », insiste-t-elle en plaçant fermement sa main sur sa poitrine.

À son arrivée à Manchay, elle a contracté des emprunts pour acheter des cochons. Mais l'élevage porcin coûte cher car il faut du temps avant qu'un porc puisse être vendu avec un bénéfice. Entre temps, Dimas devait investir, investir et investir. En fait, cela n’a pas été facile pour elle. « Mais je ne voulais pas être en retard dans mes remboursements », dit-elle. C’est pourquoi Dimas a commencé à élever des poules et a cherché une institution financière qui pourrait lui fournir ce dont elle avait besoin. ProEmpresa était la réponse.

Dimas en est maintenant à son cinquième prêt avec ProEmpresa (4 000 sols péruviens, soit environ 1 000 euros). « De nombreuses autres institutions de microfinance trouvent qu'il est trop difficile de s’occuper des clients d'ici », a expliqué Peter Mediano Gonzáles, responsable des prêts de Dimas, qui nous accompagnait.

Des technologies innovantes

Dimas Morales garde ses poules pendant deux ans et demi : à six mois, elles pondent leurs premiers œufs et, lorsqu'elles pèsent sept kilos, elle les vend. Elle élève différentes espèces et a même apporté une espèce particulière avec elle de la jungle.

L'apport de maïs violet et de chou-fleur, par exemple, donne aux œufs un goût particulier qui lui permet de vendre au marché un kilo à 12 sols au lieu des quatre sols habituels.

Nous redescendons de la colline avec Dimas et retrouvons son mari, Teófanes Espinoza, dans le deuxième poulailler. Puis nous allons chez elle. Dans la cour, sont installés deux réfrigérateurs que Neider, le fils de Dimas, a convertis en incubateurs.

« Quand ma mère a commencé avec les poules et les œufs, je me suis demandé comment rendre son travail plus efficace. Avec l'approche traditionnelle, les poussins sortaient de leurs coquilles à des périodes différentes », explique-t-il.

Neider, ouvrier spécialisé dans le bâtiment, s'est formé dans l'un des nombreux cybercafés de Manchay, en regardant des vidéos sur YouTube. Gardant à l'esprit que « ça ne devait pas coûter cher », il a modifié les vieux réfrigérateurs en installant des jauges de température et un système de roulement simulant le comportement des poules (elles tournent leurs œufs lorsqu’elles les couvent). Un petit « moto taxi » (tuk-tuk) garé devant la maison sert de groupe électrogène de secours. Et tout cela fonctionne très bien.

 

Vision d’avenir

Selon Dimas Morales, « ce n'est pas un travail difficile » : ses tâches agricoles l’occupent trois heures par jour. Elle espère pouvoir continuer toute sa vie, tout en s’occupant de sa petite plantation de café dans la jungle. Elle y travaille pendant la récolte.

De plus, Dimas envisage d’accroître son élevage à 5 000 poules. C'est à ce moment-là que Dimas nous confie qu'elle n'est allée à l'école que pendant deux ans, en déclarant : « Imaginez ce que j'aurais pu réaliser si j'avais pu continuer mes études. »

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